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8 septembre 2014 1 08 /09 /septembre /2014 14:14

Des multiples écrits de professionnels sur la question, de mes expériences (scientifiques et professionnelles), et aussi des études de cas existantes, j’ai produit dans mon travail de thèse un modèle schématique de gestion de l’e-réputation. Ce modèle s’inscrit dans une approche informationnelle de la réputation numérique, et représente (ici sous forme d’un schéma « infographie ») les différentes étapes « génériques » d’une stratégie de gestion de l’e-réputation.

Voici donc ci-dessous le processus en question. Chaque étape peut (et doit d’ailleurs) être itérée au fur et à mesure. Suite à cette représentation du processus, je discute étape par étape les points importants. Pour celles et ceux qui voudraient une vision plus « scientifique » (ou « jargonnante », chacun son point de vue) je vous invite à lire mes explications dans ma thèse (à partir de la page 318).

Vers un modèle générique de gestion de l’e-réputation

Les rectangles bleus indiquent une phase d’analyse, les jaunes une phase d’action. Les flèches pleines montrent le cheminement, et les flèches noires indiquent le sens des actions effectuées.

Vers un modèle générique de gestion de l’e-réputation

L’organisation doit tout d’abord se questionner sur :

 

==> Ses objectifs stratégiques, soit ce en quoi l’analyse de son e-réputation va permettre d’orienter ses prises de décisions (et donc la définition des décisions en question). Ainsi que la question suivante : en quoi la gestion de mon e-réputation va répondre à des besoins stratégiques (commerciaux, communicationnels, etc.) induits par mon environnement pertinent ?

 

==> Les phénomènes liés à son environnement pertinent, qui influent sur sa (e)réputation ou sur lesquels elle souhaite elle-même influer par la gestion de son e-réputation ;

 

==> Les valeurs et indicateurs réputationnels qu’elle souhaite voire intégrés par les parties prenantes qu’elle cible. Plus généralement, définir ses valeurs (l’e-réputation qu’elle souhaite avoir) permet par la suite de produire une forme de mesure : ce que je veux mettre en avant de l’organisation est-il compris et intégré par mon public ?

Vers un modèle générique de gestion de l’e-réputation

Par un processus de veille, l’organisation va ensuite identifier les plates-formes contenant les documents (pages web, tweets, etc.) où elle est citée. Ce processus suppose la définition de mots-clés et de pratiques de recherche d’information. Une fois ces documents identifiés, l’organisation va par la suite définir les communautés dans lesquelles ceux-ci sont partagés et discutés : en fonction des plates-formes où se regroupent les internautes, des thématiques communes qu’ils traitent, des actions collectives qu’ils peuvent produire, de certains signes d’appartenance, ou encore des liens qu’ils développent au sein de ces regroupements.

Vers un modèle générique de gestion de l’e-réputation

En parallèle, et une fois ses objectifs définis et certaines communautés identifiés, l’organisation va commencer à développer sa présence numérique : création de profils là où les internautes échangent, définition d’attributs identitaires en accord avec les représentations que l’organisation a d’elle-même, ou encore diffusion de contenus véhiculant ses valeurs.

Vers un modèle générique de gestion de l’e-réputation

L’organisation doit ensuite définir l’environnement informationnel des communautés apparaissant comme centrales dans ses stratégies pour construire et gérer son e-réputation. Elle peut notamment s’interroger sur : les informations les plus prescrites et partagées au sein de ces communautés (celles qui participent à la formation d’une opinion), les marqueurs réputationnels couramment développés, les formes de redocumentarisation (i.e. « remix » des informations, images, etc.) qui amènent à la formation de ces marqueurs, ou encore les différentes temporalités et modes de consommation de l’information dans ces communautés.

Vers un modèle générique de gestion de l’e-réputation

Cette définition de l’environnement informationnel implique selon nous trois autres types d’observations :

 

==> Identification des filtres, soit les internautes dont les pratiques informationnelles (notamment l’usage qu’ils font de certains dispositifs) se fondent sur la prescription d’informations et de documents (« influenceurs » et autres leaders d’opinion inclus). Ils peuvent être alors sélectionnés en fonction de leur autorité informationnelle ou réputationnelle, incluant leur notoriété, expertise, capacité de médiatisation, etc. (l’organisation ne devant pas oublier que ces critères de sélections sont à définir selon le point de vue des internautes, et pas seulement le sien). De plus, il convient pour l’organisation d’observer la manière dont ils participent à la redocumentarisation des documents qu’ils filtrent (ajout de métadonnées par exemple) ;

 

==> Identification d’indicateurs préexistants (Klout, volume d’abonnés, etc.), soit définir les informations à risques, celles concernant l’organisation (ou des concurrentes ou thématiques proches) qui ont déjà amené la production d’indicateurs réputationnels ;

 

==> Identification des mécanismes de computations : en quoi les algorithmes des plates-formes participent-ils au traitement des contenus, à leur mise en visibilité, etc.

Vers un modèle générique de gestion de l’e-réputation

Une fois cela défini et en fonction des résultats, l’organisation va produire du contenu (texte, audio, vidéo, etc.). Ce contenu sera alors envoyé aux filtres (notamment par le biais des « conversations » si chères aux marketeurs). Le contenu devra être structuré en fonction des mécanismes qui vont le traiter (Google par exemple, i.e. référencement naturel), et devra bien entendu ne pas contenir les éléments ayant déjà produit des indicateurs évalués comme non-constructifs (et ne pas jouer seulement sur l’humour).

Vers un modèle générique de gestion de l’e-réputation

Une fois que ces documents ont atteint leurs cibles, l’organisation peut :

 

==> Mettre en place des actions de médiation (i.e. community management), afin d’orienter l’internaute au sein de sa présence numérique, ou encore pour asseoir ses stratégies de communication, de vente, etc.

 

==> Observer les attitudes et discours des internautes exposés aux documents en question. Cette phase d’analyse peut alors reposer sur des techniques d’opinion mining ;

 

==> Analyser les conséquences de ce traitement par la communauté observée sur la présence numérique de l’organisation, et notamment les indicateurs qui en découlent, les formes d’interactions générées…

En fonction des résultats de ce processus de gestion, l’organisation pourra le réitérer ou non.

 

Et vous, quelle étapes vous semblent essentielles ? Que manque-t-il à cette approche schématique ?!

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30 juin 2014 1 30 /06 /juin /2014 15:00

Alors que dans un précédent billet je parlais de « capitalisme affectif ou émotionnel » pour souligner les stratégies des entreprises sur le web (à base de lolcats et autres contenus larmoyants/humoristiques), voilà que Facebook crée l’émoi en publiant une étude sur les résultats d’une expérience. Quelle expérience ? En substance, celle-ci vise à démontrer qu’une plate-forme web favorise la diffusion d’une émotion… Et surtout, de mon point de vue, cela montre que Facebook (et les autres –Twitter, Google, etc.) réfléchissent un peu plus à la manière de capitaliser (i.e. générer des bénéfices) sur nos « émotions ».

 

Je ne reviendrai pas ici sur le fond de l’étude… D’une part par manque de temps (d’où un billet qui –pour une fois- se veut court). Mais aussi car d’autres l’on bien fait :

==> Olivier Ertzscheid, qui soulève des problématiques sous-jacentes liées  notamment à des questions de gouvernance (quid de l’impact de ce genre de « manipulations » dans nos sociétés démocratiques et sur-médiatisées ?) ;

==> Eglantine Schmitt qui questionne très justement la pertinence de l’étude, autant que l’emploi et la signification du terme même « d’émotion » ;

==> Antonio Casilli, qui nous présente un ensemble de ressources et de critiques sur cette « expérience » que je vous invite bien entendu à lire.

 

Pour ma part, je ne questionnerai pas non-plus « l’éthique » derrière ce genre d’étude, ni l’étonnement (un peu naïf parfois ?) suscité : quoi, Facebook fait ce qu’il veut sur SA plateforme ! Incroyable, leur algorithme n’est donc pas « neutre » et encore moins « organique »…

 

Ce qui m’intéresse est la manière dont les plateformes vont petit à petit se focaliser sur cette part d’affect afin de générer des bénéfices, et les interrogations nécessaires pour produire un cadre d’observation à ce qui me semble être une forme de capitalisme affectif/émotionnel. Bref, voici trois cadres d’analyse (macro, méso, micro) qui m’apparaissent comme nécessaires pour questionner cette économie de l’humeur. Et que je développerai au fur et à mesure sur ce blog et ailleurs.

 

Macro : quel modèle économique de l’émotion ?

 

Les plateformes du web se basent depuis longtemps sur une économie de la réputation. Comme je l’ai déjà souligné mainte fois, la réputation articule une part de rationalité et une part d’affectivité. Force est de constater que les modèles glissent peu à peu de cet aspect rationnel à celui affectif. Google, avec le PageRank, a voulu rationnaliser par le lien hypertexte le classement des pages web. Avec Google+ et l’AuthorRank, il met l’identité au centre de son classement, et donc propose d’orienter ses usagers par le biais de marqueurs affectifs, soit les attributs identitaires de nos « contacts ». Twitter, dont le modèle se base sur l’échange d’information, glisse un peu plus vers une mise en avant de ce qui « fait tendance », de ce qui est « populaire » et donc généralement motivé par des élans émotionnels (par l’ajout de « favoris », le design des comptes de plus en plus développé, une prochaine gestion des tweets dans nos timelines, etc.). Facebook, quant à lui, visait à ses débuts à mettre en contact des individus dispersés à travers le monde, et cette dernière expérience nous montre donc qu’il commence à se questionner sur une instrumentalisation de nos « humeurs »…

 

Question (de recherche/analyse/observations) 1 : quelle financiarisation pour la captation de nos affects ?

Mon hypothèse est que les organisations/entreprises (ceux qui payent pour de la publicité) seront les premières à investir (à tort ou à raison) dans cette instrumentalisation de l’émotion. D’une part car leurs stratégies de community management reposent de plus en plus sur ce levier. D’autre part car l’image, l’engagement ou encore la fidélisation sont au centre des stratégies marketing depuis longtemps.

 

Question 2 : comment valoriser nos émotions ?

Le capitalisme suppose l’accumulation d’un capital (ici émotionnel donc). La question va être, pour les plateformes, de définir la manière d'en tirer profit au-delà de la publicité. Pour les plus pessimistes, il est clair que l’hypothèse d’une accaparation par certains gouvernement autocratiques (ou non) de ce capital favorisera des forme de propagandes « efficaces ». Pour les plus optimistes (les entreprises et leurs marketeurs) définir l’humeur à un instant T d’un groupe d’individu pour ensuite influer sur celle-ci représente un enjeu fort dans des sociétés où le marché doit se « réguler par lui-même ». Mon hypothèse est alors que le stock d’émotions et la capacité à le générer, comme la réputation d‘ailleurs, va petit à petit devenir un « bien » que l’on pourra estimer, qui sera échangé ou vendu, qui participera à la cotation en bourse des organisations, à la valorisation des start-up, etc.

 

Question 3 : qui va réguler ce marché ?

Mon hypothèse : les algorithmes des plateformes... Tout comme Google régule aujourd’hui notre langage par le biais de sa plateforme d’enchères Adwords (capitalisme linguistique). Bientôt des enchères pour rebondir au mieux sur les émotions des usagers des plateformes ?

 

Question 4 : quels discours d’accompagnement ?

Mon hypothèse : après le « privacy washing » faisant suite à l’affaire PRISM, les plateformes (et surtout Facebook pour le coup) vont avoir fort à faire pour ne pas donner la sensation d’une « manipulation ». Comme les « big data », j’ai tendance à penser que les praticiens seront les premiers promoteurs des avantages et bénéfices d‘un tel traitement et d’une monétisation de l’émotion. De même, la lecture attentive des CGU des plateformes nous en apprendra surement plus au fur et à mesure.

 

 

Méso : quelle médiologie de l’émotion ?

 

La place des algorithmes, autant que le design des interfaces, est centrale dans cette analyse du déploiement d’un capitalisme affectif sur le web.

 

Question 1 : quelle politique des algorithmes ?

Mon hypothèse : les algorithmes des plateformes vont peu à peu rationnaliser l’affect à partir de leur traitement des traces d’usage. Autrement dit, les algorithmes vont définir de nouveaux critères plus « ordinaires » (au sens de De Certeau), tant cet ordinaire de la communication repose plus sur des ressorts émotionnels que sur des réflexions profondes… Il convient alors de questionner ces critères, et surtout leur signification pour ceux qui les choisissent : popularité ? Pertinence ? Réputation ? Autorité ? Plus que le mécanisme de computation donc, c’est surtout ce qui est calculé, et la finalité du calcul, qui me semblent essentiels.

 

Question 2 : quel design des plateformes ?

Hypothèse : pour produire de l’émotion, il faut diffuser du contenu, et donc faciliter là-aussi sa production. Si le like de Facebook, ou les hashtags sur Twitter, sont à la fois des éléments de navigation et des entités sémiotiques, observer la manière dont le design des interfaces va évoluer pour faciliter le « marquage » des informations par des indicateurs émotionnels peut nous en apprendre plus sur le déploiement de ce capitalisme émotionnel.

 

Question 3 : quels marqueurs de l’émotion ?

Mon hypothèse : si la réputation devient le marqueur central de l’autorité d’une entité sur le web, alors la commensuration des émotions se traduira par des nouveaux marqueurs qui participeront à la fois au traitement algorithmique et à la navigation sur le web. Bientôt un « klout » émotionnel ? Les professionnels de l’e-réputation pratiquant « l’opinion mining » se limitent aujourd’hui à un triptyque positif/négatif/neutre, il y a donc beaucoup à faire sur la qualification des « sentiments »…

 

 

Micro : quelle place de l’individu ?

 

Question 1 : quel traitement des données personnelles ?

Mon hypothèse : les discours, les stratégies des organisations autant que le design des interfaces vont accentuer le dévoilement de soi sur les plateformes. Il s’agit alors d‘observer la manière dont les dispositifs vont construire un cadre d’expression favorisant une sensation d’entre soi, et donc un don de l’intime.

 

Question 2 : quel statut des « ouvriers du numérique » ?

Mon hypothèse : la question du « digital labor », et par extension de la valeur générée par les nouveaux ouvriers du numérique, va devenir centrale dans une économie de la réputation et un capitalisme cognitif accru. Qui plus est si l’émotion, générée par les contenus produits par ces « travailleurs », devient monétisable, voire l’un des principaux facteurs de rentabilité de certaines plateformes.

 

Question 3 : quel impact sur nos fonctions cognitives ?

Mon hypothèse : si, comme le souligne (schématiquement) Daniel Kahneman, notre système de pensée fonctionne sur un mode instinctif (vitesse 1) et réfléchie (vitesse 2), alors la sollicitation constante de nos émotions va provoquer une hypertrophie de notre mode instinctif. Questionnant alors notre rapport à l’apprentissage, à nos relations aux autres ou encore aux médias et à l’information.

 

 

Au final : il n’y a pas de final

 

J’ai écrit ce billet un peu rapidement : je vais donc l’amender, y ajouter des questionnements et des références dans les semaines à venir. Je suis aussi preneur de vos remarques, réflexions, etc. dans les commentaires.

J’observe depuis quelques années la montée en puissance de la notion de réputation dans le fonctionnement du web (au-delà de la notion écran d’e-réputation), et je pressentais depuis quelques temps que son instrumentalisation devenait un nouvel enjeu des acteurs dominants du web. Là où je misais plus sur l’aspect « rationnel » de la réputation, force est de constater que c’est l’affect qui devient central. L’idée de capitalisme émotionnel/affectif m’offre ainsi un cadre d’analyse plus large dans lequel les stratégies des plateformes, les tactiques de organisations et les usages des internautes semblent (mais cela reste à observer) s’articuler pleinement. Vous allez donc en entendre souvent parler sur ce blog :-)

 

Et vous, en tant qu’usagers, avez-vous la sensation que vos émotions sont « manipulées » ? Quelle place prend l’affect dans votre navigation ordinaire et quotidienne sur le web ?!

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12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 10:58

Matt Cuts (responsable « webspam » chez Google) expliquait récemment que le moteur ne classe pas les sites par popularité, mais par autorité voire réputation. Au-delà d’une posture de communication (Google est pertinent, ne vous inquiétez pas), il parait intéressant de se questionner sur le glissement de l’autorité d’une information/source, vers sa réputation comme marqueur de sa légitimité à informer.

 

Une question que je traite dans ma thèse, et que j’ai eu l’occasion de développer lors d’un séminaire à la MSH de Lorraine dont voici ci-dessous les « slides ». En substance, j’y reviens sur les points suivants :

 

=> Notre utilisation ordinaire et quotidienne du web nous fait redéfinir nos tactiques de sélection de l’information. En parallèle, les algorithmes et autres systèmes propres aux plateformes web développent des indicateurs et formes de calculs afin de favoriser cette consommation particulière de l’information.

 

=> Les processus de filtrage se retrouvent essentiellement algorithmiques mais aussi humains. Avec généralement une combinaison des deux, l’un venant amorcer l’autre (dirait Olivier Ertzscheid) de manière récursive me semble-t-il : la distribution de l’information devient « sociale » (cf. PageRank).

 

=> La réputation est un concept qui engobe les différentes notions habituellement usitées pour définir les modes de sélection de l’information et qui se trouvent re-définies/questionnées par les usages numériques.

 

=> L’e-réputation, au-delà de son approche commerciale, apparait comme une nouvelle forme de métadonnée venant personnaliser les documents numériques (et ainsi donner du sens aux informations qu’ils portent pour des utilisateurs précis).

 

=> Mais au-delà, les indicateurs réputationnels apparaissent comme des attributs d’identité numérique : si vous suivez tel profil pour obtenir des informations (sur Twitter par exemple), alors c’est que vous l’avez sélectionné à partir d’indicateurs (subjectifs ou non, algorithmiques ou non, sémiotiques ou pas). La question (schématiquement) étant : comment « rationnaliser » ces indicateurs afin de les dupliquer et automatiser cette sélection (pour une plateforme) ?

 

=> Je propose alors l’idée (mais pas forcément le terme) « d’autorité réputationnelle » : plus qu’une question des processus venant légitimer l’in-formation, il me semble nécessaire d’interroger les processus venant favoriser la prescription d’information et la formation d’opinions.

 

=> Je ressors ensuite ma « découverte » et surtout ma qualification des agents-facilitateurs comme approche probable pour sélectionner de l’information au-delà des algorithmes mais tout en s’appuyant sur cette nouvelle forme d’autorité « numérique » qu’est la réputation : capter de l’information par le prisme des usagers (et de ce qui leur semble pertinent ou non), et pas par celui des systèmes ou des institutions dites de référence.

 

=> Je conclus avec un focus sur l’apport de ces idées pour l’enseignement et l’apprentissage à l’université (sujet du séminaire en lui-même).

 

Bonne lecture :-)

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10 avril 2014 4 10 /04 /avril /2014 11:37

L’e-réputation a (déjà) ses mythes et légendes, ses imaginaires et utopies : nettoyage efficace, opinions neutres, surveillance exhaustive, analyse automatique et précise des sentiments… Autant d’approches et de présupposés tenaces que l’on retrouve systématiquement dans la plupart des discours. Pourtant, si de nombreux professionnels se montrent de plus en plus sceptiques (et oui, à force de pratiquer on s’aperçoit vite de ce qui marche ou non), la recherche scientifique offre aussi de nombreuses productions pertinentes pour démystifier soi-même certaines de ces idées reçues. Voici quelques-unes de ces références qui me semblent incontournables.

 

Dans un récent billet de blog, Antonio Casilli propose « 30 références pour démystifier 10 idées reçues sur le numérique ». Billet que je ne peux que vous inviter à aller lire (et surtout les références qui vont avec hein) !

 

Je m’inscris donc dans cette démarche qui, au-delà de la simple volonté de questionner certaines utopies, me semble utile tant l’on me demande (surtout les étudiants) des bases bibliographique sur le sujet de la réputation. Je propose donc ici une biblio assez large, qui ne va pas vous mâcher le travail mais au contraire vous donner des arguments pour étayer votre propre réflexion critique. Car après 10 ans de discours sur le sujet de la réputation numérique, lorsque ce terme est ancré dans les discours et les pratiques, il est temps de passer non pas autre chose réellement, mais d’affiner notre vision du sujet.

 

Je ne propose ici que des articles ou ouvrages accessibles en ligne. Pour les autres, vous avez notamment la biblio de ma thèse. Et, je ne présente ici que des articles qui me semblent facilement assimilables dans vos pratiques professionnelles/de recherche quotidiennes, autant que nécessaire pour avoir une vue d’ensemble du « chantier réflexif » encore nécessaire autours de ce sujet de la réputation (en ligne ou non)

 

La réputation n’est pas qu’une question d’image

 

- ORIGGI, G., « Un certain regard. Pour une épistémologie de la réputation », Worshop Réputation, Fondazione Olivetti, Roma, 14 avril 2007 : http://cerses.shs.univ-paris5.fr/IMG/pdf/G_Origgi.pdf

 

Une référence incontournable pour moi, et qui encore une fois va au-delà de la simple « image » pour insister sur les aspects sociaux et informationnels de la réputation.

 

- FOMBRUN, C., VAN RIEL, C., « The Reputational Landscape », Corporate Reputation Review, Vol.1, n° 1, pp. 5-13 : http://repub.eur.nl/res/pub/12136/TheReputationalLandscape_1997.pdf, 1997.

 

Un classique de la littérature sur la réputation des organisations et qui révèle bien toute la complexité de cette notion

 

- GIRARD, B., « Le souci de sa réputation peut-il modifier les comportements d’une entreprise ?», : http://www.dissonancesx90x.net//Reputation.pdf, 2012.

 

Une synthèse intéressante des principaux écrits sur le management de la réputation.

 

 

L’e-réputation ce n’est pas « ce que Google dit de vous » et autres simplifications

 

- ALLOING. C., PIERRE. J., Construire un cadre d’analyse avec les SIC pour comprendre les pratiques et les enjeux de la réputation en ligne (des individus et des organisations), XVIIIe Congrès de la Société Française des Sciences de l'Information et de la Communication, Rennes, 30 mai et 1er juin 2012, http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00704007

 

Un papier écrit avec Julien Pierre (et déjà présenté sur ce blog) qui, même si très théorique, vise à montrer toute la complexité (et l’intérêt d’étudier) cette notion.

 

- ERTZSCHEID, O., Identité numérique et e-reputation, IUT de La Roche sur Yon, 2011 : http://books.openedition.org/oep/332

 

Une approche large et facilement accessible des notions d’e-réputation et d’identité numérique par l’inégalable Olivier Ertzscheid.

 

 

Les opinions ne sont pas neutres et ne peuvent se résumer à positif/négatif

 

- BOURDIEU, P., « L'opinion publique n'existe pas », Exposé à Noroit, janvier 1972, Les temps modernes, n°318, janvier 1973, pp. 1292-1309. Repris in Questions de sociologie, Les Éditions de Minuit, Paris, pp. 222-235, 1984 : http://temmaryoucef.unblog.fr/files/2012/12/opinion-publique3.pdf

 

Un « classique » sur la question, et dont j’avais résumé l’intérêt pour l’e-réputation ici.

 

- KELMAN, H.C., « Processes of opinion change », Public Opinion Quarterly, Vol.25, 1961 : http://scholar.harvard.edu/files/hckelman/files/ProcessesofOpinion.pdf

 

Article où sont expliqués les processus de production et d’évolution des opinions. Malgré son âge, cette analyse reste pertinente pour analyser des mouvements d’opinion dans un environnement numérique.

 

- QUERE, L., « Opinion : l'économie du vraisemblable. Introduction à une approche praxéologique de l'opinion publique », Réseaux, Vol. 8, n° 43, pp. 33-58, 1990 : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1990_num_8_43_1780

 

Une référence incontournable pour moi afin de mieux comprendre ce qu’est une opinion (et donc favoriser son analyse par la suite).

 

 

Le nettoyage, c’est efficace, enfin presque…

 

- WALCZAK, N., « Les décalages du droit à l'oubli numérique par rapport à la protection des données personnelles sur l'internet », Médias011 : Y a-t-il une richesse des réseaux, Aix-en-Provence, décembre 2011 : http://www.medias011.univ-cezanne.fr/fileadmin/Medias11/Documents/A2/WALCZAK.pdf

 

Car au-delà de la pertinence des pratiques (effet « Streisand », etc.), les questions d’éthiques et de mémoire sont au centre de ces pratiques.

 

 

L’analyse automatique (ou non) des sentiments, c’est efficace, enfin presque…

 

- BOULLIER, D., LOHARD, A., Opinion mining et Sentiment analysis, Collection Sciences Po-médialab, http://press.openedition.org/202, 2012.

 

Une bonne revue de littérature et surtout synthèse de la question.

 

 

L’identité numérique ne se réduit pas au personnal branding

 

- MERZEAU, L., « La présence plutôt que l’identité », Documentaliste - Sciences de l'Information, Vol. 47, n° 1, pp. 32-33, 2010, http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/49/28/43/PDF/Merzeau_Doc-SI_presence.pdf

 

Comme le souligne bien Louise : « Le personnal branding reconduit l’illusion d’une communication instrumentalisée, où la personne est une marque qu’on façonne à volonté avec des outils qu’on dominerait. C’est oublier que le numérique n’est plus un médium parmi d’autres, mais un écosystème que nul ne saurait manipuler en surplomb. »

 

- PIERRE J., (2013), Reconfigurer le réel : les différentes formes de performativité des bases de données à caractère personnel du web social, in ROJAS E. (coord.), Réseaux socionumériques et médiations humaines. Le social est-​il soluble dans le web ?, Paris : Lavoisier, p.61-88 : http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_007

 

Notre « identité » en ligne est plus dépendante des besoins et des visions des concepteurs des plateformes web que d’une illusoire maitrise de nos traces ou de nos actions en ligne.

 

- ALLOING, C., « Vers une approche instrumentale de l’identité numérique : les attributs identitaires comme structuration de l’environnement informationnel ? », in PINTE, J-P. (Dir.), Enseignement, préservation et diffusion des identités numériques, Hermes Lavoisier, à paraitre Mars-Avril 2014. Pré-print : http://www.msh-lorraine.fr/fileadmin/images/actualites/2014/IdeNum_Alloing_Chapitre2_VPrePrint-1.pdf

 

Dans ce chapitre à paraitre je reviens sur l’intérêt de l’analyse de l’identité numérique pour la veille et la captation d’informations utiles à l’analyse de la réputation en ligne d’une organisation (avec une revue de littérature sur la question de l’identité numérique).

 

 

Les données ne parlent pas d’elles-mêmes

 

- Panos Ipeirotis, « Big Data, Stupid Decisions » : http://fr.slideshare.net/ipeirotis/big-data-stupid-decisions-9326862

 

Des évaluations dépréciatives sont parfois un bon moyen de rassurer un consommateur avant son achat!

 

- BOYD, D., CRAWFORD, K., « Six Provocations for Big Data », A Decade in Internet Time: Symposium on the Dynamics of the Internet and Society, 2011 : http://softwarestudies.com/cultural_analytics/Six_Provocations_for_Big_Data.pdf

 

Un classique, de mon point de vue, pour ne pas aborder les « data » comme la solution absolue pour analyser les publics ou la présence web d’une organisation.

 

 

Les algorithmes ne sont pas neutres et ne sont pas vos amis

 

- Cardon Dominique, « Dans l'esprit du PageRank » Une enquête sur l'algorithme de Google, Réseaux, 2013/1 n° 177, p. 63-95 : http://ecole-ident-num.sciencesconf.org/conference/ecole-ident-num/pages/Cardon_Dans_l_esprit_du_PageRank.pdf

 

Car pour mieux utiliser Google dans une stratégie, autant comprendre les tenants et aboutissants de son algorithme.

 

- GILLESPIE, T., « The relevance of algortihms », Culturedigitally.org : http://culturedigitally.org/2012/11/the-relevance-of-algorithms

 

Où l’auteur revient sur les problématiques centrales de « l’algorithmisation » de nos vies, et des angles avec lesquels aborder/analyser ces questions.

 

 

Les influenceurs ne sont qu’une construction

 

- BEAUVISAGE, T., BEUSCART, J-S., COURONNE, T., MELLET, K., « Le succès sur Internet repose t- il sur la contagion ? Une analyse des recherches sur la viralité », Tracés, http://traces.revues.org/5194, 2011.

 

Une revue de littérature critique sur la question de la viralité et des « influenceurs ».

 

- ALLOING, C., HAIKEL-ELSABEH, M., « Les leaders d’opinion sur les réseaux socionumériques : proposition d’indicateurs informationnels de mesure à l’usage des stratégies marketing des entreprises », 10eme Séminaire M@rsouin, Brest Océanopolis, 24 et 25 mai 2012 : http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/95/86/59/PDF/LeadersOpinionWeb_AlloingHaikel_VHAL.pdf

 

Proposition d’une matrice non-pas pour identifier des « leaders d’opinion », mais au contraire pour les « construire » en fonction du contexte et des besoins de l’organisation.

 

 

Le community management n’est pas la réponse à tout

 

- COUTANT, A., DOMENGET, J-C., « Le web participatif a-t-il besoin des marketeurs ? », Actes du colloque Web social, communautés virtuelles et consommation, 79e congrès international ACFAS, Chaire de relations publiques et communication marketing , UQAM, Université de Sherbrooke, 11 mai 2011 : http://www.crpcm.uqam.ca/pages/docs/centres/cmark/ACFAS_428_Actes_ComMkg_2011.pdf#page=115

 

Comme le soulignent les auteurs, déployer une stratégie sur le web social n’est pas si aisé et simple contrairement à ce que certains discours laissent supposer.

 

Et bien entendu, n'hésitez pas à partager vos propres références en commentaire?!

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 13:34

Et plus précisément ma thèse de doctorat en sciences de l’information-communication soutenue le 02 juillet dernier (et que j’ai mis du temps à mettre en ligne) :-) Celle-ci articule trois parties : l’une sur les aspects théoriques et le web social, la deuxième sur la réputation et l’e-réputation, et la troisième sur les « agents-facilitateurs », acteurs de la recommandation d’information en ligne.

 

J’en ai peu parlé sur ce blog, mais ce travail de recherche mené durant trois années au sein de La Poste a permis l’éclosion de pas mal de billets sur CaddE-Réputation. Soutenue en juillet dernier, avec pour jury Serge Agostinelli, Madjid Ihadjadene et Louise Merzeau, et pour directeurs Christian Marcon et Nicolas Moinet, cette thèse est l’aboutissement (autant que le début) de nombreuses réflexions à la fois sur la réputation et l’e-réputation, mais aussi sur la veille et ce que certains nomment la curation prescription en ligne.

 

Avant de vous présenter globalement chaque partie et apport, voici les liens pour la lire :

 

==> La thèse en version PDF : Processus de veille par infomédiation sociale pour construire l'e-réputation d'une organisation. Approche par agents-facilitateurs appliquée à la DSIC de La Poste

 

==> Et avec la présentation sur TEL

 

 

Première partie : le web social et des théories

 

Je ne pourrai pas résumer 590 pages (hors-annexes) sur ce blog. Je vais donc me concentrer sur les principaux apports, et vous laisserai aller piocher où bon vous semble ensuite.

Dans mon premier chapitre je reviens sur ma stratégie de recherche : inductive modérée (je pars du terrain pour produire des réflexions, mais je me laisse le droit d’émettre certaines hypothèses préalables), une approche compréhensive teintée de complexité, une posture constructiviste ainsi qu’un regard phénoménologique, et la place du numérique dans ma recherche (blog, Twitter et open access).

 

Dans ce chapitre, je formule ma problématique centrale : une stratégie de veille s’appuyant sur les pratiques d’infomédiation des internautes peut-elle permettre de capter les signaux informationnels participant à la construction de l’e-réputation d’une organisation ?

 

Dans mon deuxième chapitre, je reviens sur les aspects théoriques et épistémologiques nécessaires à mon travail : les théories de l’information (particulièrement l’autorité informationnelle), les théories de la communication (la médiation, spécifiquement documentaire), les théories du document (redocumentarisation et navigation sociale), l’intelligence économique (et son apport pour la prise de décision), le constructivisme (comme prisme d’analyse) et la phénoménologie sociale (aussi comme prisme d’analyse).

 

Enfin, dans mon troisième chapitre, je propose une revue de littérature critique des recherches sur le web social : recensement des critiques concernant le web dit 2.0, proposition d’une typologie des « médias sociaux », analyse des nouvelles « sociabilités numériques » (extimité, capital social, etc.), description et définition de la notion de « communauté web », mise en avant de ce que l’on nomme les « industries de l’attention » (et comment elle la capte, l’attention), retour (détaillé) sur la notion d’identité numérique et son apport dans la personnalisation de l’information numérique, la place de la prescription d’information sur le web, et enfin la notion de buzz « viralité ».

Rien de révolutionnaire ici mais, je l’espère, une synthèse solide de ces sujets.

 

 

Deuxième partie : de la réputation à l’e-réputation

 

Cette partie est composée de deux chapitres. Le premier est dédié à la réputation des organisations. Après une revue de littérature sur cette notion dans le champ des sciences humaines (économie, sociologie, gestion, etc.), je propose de détacher la réputation de la notion d’images (mentales), afin de l’approcher par un prisme informationnel et plus « rationnel » visant à faciliter les prises de décision.

 

Pour cela, je propose de l’aborder d’une part par les différents apports théoriques de ma première partie (intelligence économique, théories du document, phénoménologie, etc.), mais surtout par les concepts d’opinion et d’évaluation. La réputation devient alors une méta-opinion, une opinion sur l’opinion des autres. L’évaluation collective des dites opinions amène à les agencer (mise en visibilité, opinion « dominante », connaissance partagée) afin de déterminer ce qu’est ou n’est pas la réputation d’une organisation (et la manière dont « l’on se doit » d’interagir avec l’organisation par la suite). Plus précisément j’en donne la (courte :-)) définition suivante :

La réputation est une méta-opinion issue d’actions communicatives intentionnelles d’évaluation de l’être et de l’agir d’une organisation au sein de groupes d’individus. Elle permet une forme de médiation entre ces entités. Les opinions constitutives de la réputation des organisations se forment à partir d’informations filtrées par des médias ou des individus que leur autorité informationnelle établit comme référents de l’opinion exprimée. La réputation induit un mécanisme d’agencement des opinions structuré par le développement de marqueurs réputationnels dont la documentarisation comme empreinte mémorielle permet une commensuration, et in fine l’établissement d’indicateurs. L’organisation ne peut appréhender la réputation comme objet global, mais doit la considérer comme une co-naissance, une connait-sens et une connaissance, propre à chaque individu ou groupe et reflétant une réalité qui lui est propre : l’organisation a des réputations. En tant qu’informations stratégiques, ces réputations peuvent s’inscrire dans un processus rationnel limité de prise de décision et reposent alors sur la confiance que l’organisation accordera aux évaluateurs.

 

 

Suite à cela, je m’attaque dans mon cinquième chapitre à l’e-réputation. Tout d’abord, je déconstruis les discours de praticiens : définitions, pratiques types (toujours les mêmes…), idéologies (nettoyage, opinion neutre, etc.), indicateurs et marché en constante évolution.

Je propose ensuite une revue de littérature scientifique sur le sujet (cf. mon historique sur ce blog), avant de m’intéresser à la transposition « réputation => e-réputation ». Ce qui m’amène (je raccourcis, hein) à définir un processus de formation de l’e-réputation prenant en compte les actions de médiation et de prescription de l’information effectuées par des « filtres » (internautes et algorithmes des systèmes). Le tout avec un joli (mais complexe) schéma pour expliquer cela (p. 314).

 

De même, je propose un modèle théorique de gestion de l’e-réputation, construit à partir de mes constats, réflexions, observations et pratiques types proposées par les professionnels (p. 318). Enfin, je donne une définition info-communicationnelle de l’e-réputation d’une organisation :

Par le prisme des organisations, l’e-réputation peut être abordée comme une information stratégique constituée de l’ensemble des indicateurs issus de la commensuration des interactions intentionnelles endogènes ou automatisées des communautés virtuelles avec l’organisation : productions d’opinions, notations ou encore agir des publics. Ces indicateurs forment le paysage réputationnel de l’organisation et deviennent alors des marqueurs prescriptifs, appuyant la redocumentarisation et la contextualisation de sa présence numérique, autant que des connaissances partagées sur l’organisation par des communautés spécifiques. Le paysage réputationnel de l’organisation sur le web participe ainsi à son autorité réputationnelle et aux actes de médiation avec ses publics.

 

 

Troisième partie : production d’un dispositif de veille par agents-facilitateurs

 

Dans cette partie je présente mes actions de collecte de données. Le sixième chapitre revient sur la veille (classique) effectuée à La Poste pour un produit numérique (Digiposte). Je commence tout d’abord par présenter les entretiens réalisés avec des dirigeants de l’entreprise afin de déterminer la vision qu’ils ont de La Poste : étape essentielle selon-moi pour favoriser ensuite l’analyse et l’interprétation des informations collectées (et ne pas seulement compter les likes et les RTs)…

La collecte de données par un processus classique de veille m’amène à un constat central : plus que la production d’opinions ou d’informations « originale » (articles de blogs par exemple), il s’agit surtout de reprises, de prescriptions et essentiellement sur Twitter. Arrive alors la question : à quoi servent, et que faire de tous ces relais d’information ?

 

Dans mon septième chapitre je décide donc d’étudier ces internautes prescripteurs, et ce à partir de l’observation d’une centaine de comptes et avec une quarantaine de critères. J’observe ainsi qu’ils font ce que certains nomment de la « curation » (je préfère largement « infomédiation sociale »), qu’ils facilitent l’accès à l’information pour des communautés données. Et, surtout, qu’en remettant en contexte les documents qu’ils prescrivent ils offrent à l’organisation la capacité de mieux interpréter les informations la concernant, et ce par le prisme de leurs publics (aspect phénoménologique).

 

Je nomme ces internautes prescripteurs des agents-facilitateurs et je les définis ainsi :

L’agent-facilitateur est un infomédiaire social dont les pratiques informationnelles et l’autorité réputationnelle font de lui un filtre de l’information et du document dans des communautés thématiques. Ses activités principales sur un RSN reposent sur la collecte, la sélection, la mise en contexte par redocumentarisation et la recommandation de documents numériques. Son autorité agit comme un marqueur réputationnel et prescriptif assurant la légitimité des informations qu’il recommande. Il participe ainsi à la construction de connaissances valides pour une communauté donnée.

 

Ce qui m’amène au passage à proposer le concept « d’autorité réputationnelle » : l’autorité réputationnelle peut être vue comme l’autorité définie par la présence numérique d’une entité sur le web. Cette autorité ne vise pas seulement à observer ou valider un processus de « création » ou de traitement de l’information, mais à valider un processus de recommandation de celle-ci.

 

 

Pour finir, dans mon huitième chapitre, je recentre sur ma problématique : comment intégrer ces agents-facilitateurs dans un dispositif de veille pour « construire l’e-réputation » ? Soyons bien d’accord, par construire l’e-réputation j’entends : la manière dont l’organisation va elle-même définir sa propre réputation en ligne (et plus globalement sa réputation), soit la construction de cette connaissance qu’est la (e)réputation.

Autrement dit, je propose, à l’aide des agents-facilitateurs, une approche proactive de la gestion de l’e-réputation : plutôt que diffuser pour ensuite corriger, mon dispositif vise à faciliter l’acculturation des collaborateurs, à leur permettre de définir à l’avance ce qui va créer débat ou non, et la manière dont les informations concernant une thématique liée à l’organisation vont être recommandées et traitées par les publics de l’entreprise. Et ce, par un dispositif opérationnel applicable à n’importe quelle entreprise…

 

Comme je le souligne en conclusion : Plus que vouloir être « dans la tête » des publics, notre approche montre l’importance d’être à « leur place » afin de pouvoir interpréter et agir en fonction de leurs opinions et actions. (…) Notre dispositif de veille par agents-facilitateurs permet cette construction [de l’e-réputation] en offrant à l’organisation : une observation de son environnement par le prisme des internautes ; un filtre collectif, contextuel et endogène de l’information qu’elle collecte ; des informations stratégiques quant aux actions à effectuer pour la gestion de son e-réputation ; ou encore la possibilité d’optimiser la veille ordinaire de ses collaborateurs tout en leur permettant de s’imprégner de l’environnement des internautes.

 

 

Au final…

 

Au-delà des remerciements présents dans la thèse, je tiens à vous remercier, vous lecteurs de ce blog. C’est grâce notamment aux diverses interactions que j’ai eu avec vous que j’ai pu construire ma réflexion, et ainsi obtenir ce doctorat avec les félicitations du jury !

Ce travail est en construction (la thèse n’est pas un aboutissement mais un commencement), et j’espère que les réflexions proposées ici pourront être utiles autant aux enseignants-chercheurs, qu’aux professionnels et étudiants… Mais ça, c’est à vous de me le dire ?!

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1 décembre 2013 7 01 /12 /décembre /2013 18:45

Si nous sommes à « l’ère du numérique», c’est (aussi/surtout/généralement) que tout est transposable en chiffres, en unités de mesure, tout se calcul et tout est prétexte à évaluation (la réputation en tête). Et de nombreux outils sont là pour nous offrir cela : volume de RTs, de Likes, « force » de l’engagement, liens entrants, positionnement, etc, etc. Mais les métiers de community manager et de veilleur doivent-ils se résumer à cela : compter des indicateurs (ou au mieux en produire) ? Ou alors, appuyer réellement les décisions de l’entreprise ?

 

 

Ces interrogations/constats/réflexions se sont construit(e)s à partir de ma précédente expérience postale, de mes travaux de recherche, et surtout d’échanges réalisés récemment dans le cadre d’une mission. Afin de ne dénoncer citer personne, et surtout d’élargir un peut tout ça, voici le récit (fictif mais presque) de Jean-Patrick (J-P)… Qui se demande au bout de quelques années, à quoi lui servent tous ces chiffres dont il ne sait que faire.

 

« La part de voix est en résonnance avec le BSRank© »

 

Jean-Patrick est directeur de la communication pour une (grosse) PME spécialisée dans le service à la personne (entre autre). J-P a participé au développement de la présence en ligne de son organisation. Sur les conseils de son prestataire historique, il a donc développé les supports « règlementaires » du bon « social media chief officier in the sky » : page Facebook, comptes Twitter (SAV + Corporate + image employeur + innovation), Google+, Viadéo/Linkedin, Pinterest… Cela fait 5ans, et J-P commence à être dubitatif.

 

Non pas qu’il ne voit pas l’intérêt de cet enchevêtrement de plateformes : diffusion, publicité, interaction, publicité, captation d’opinions, publicité, lolcats (avec 2ans de retard, mais passons), publicité… Les objectifs sont atteints. Mais ce sont de micro-objectifs : au-delà de faire vivre la présence sur ces plateformes, de générer (parfois) des ventes ou de faire connaitre ses offres, voire endiguer des débuts de crises, J-P se demande en quoi l’ensemble de ces supports peuvent bien lui apporter d’un point de vue décisionnel ?

 

Car J-P aimerait bien moderniser ses offres, mais en allant au-delà de « l’image de marque », et du « web pour le web ». Il souhaiterait réellement intégrer l’expérience acquise par et au travers des échanges avec les internautes, qu’ils interagissent directement ou qu’ils ne fassent que « parler de son entreprise ». Bref, J-P veut retirer des enseignements de ces 5ans sur les médias sociaux, qui ne se limitent pas au volume moyen de retweets, aux photos qui génèrent le plus de likes, ou à la couleur préférée des fans pour la bannière du dernier jeu-concours. Ce que lui fournissent pour l’instant ces trois (dont deux stagiaires) community managers (car c’est aussi ce que lui demandent ses supérieurs).

 

Il fait donc appel à son prestataire historique, historiquement spécialiste du web social, et expert de la veille (depuis toujours, et pour toujours). Après trois mois de collecte de tweets et autres « retombées » (mais surtout des tweets), après une analyse fine des échanges sur Facebook, après une captation systématique des opinions présentes dans les 2 premières pages Google (« les utilisateurs ne vont pas au-delà »), le prestataire fournit les résultats à J-P.

 

Des résultats qui se veulent à la fois pertinents, et riches en enseignements. Le message central : « La part de voix est en résonnance avec le BullShitRank©, vos publics sont donc réceptifs bien que parfois mitigés face à la neutralité des principales opinions ».

 

J-P est sans voix. En fait il ne comprend pas, et questionne alors son prestataire :

 

=> J-P : le « rank » quoi ?

=> Presta : le BsRank© fait le ratio entre le volume de part de voix moyen pour 7 jours ouvrés, que l’on multiplie ensuite par le PageRank, et que l’on divise enfin par le Klout maximum de chaque influenceur. Sans oublier, la crédibilité intrinsèque des contenus et la tonalité que nous évaluons avec le DoigtMouilléAnlysis©

=> J-P : et donc ?

=> Presta : nous pouvons fournir des chiffres détaillés et des analyses précises (basée sur notre méthodologie brevetée : AuFeeling©)

=> J-P : et en substance ?

=> Presta : Ben tout va bien, continuez comme ça, mais soyez tout de même réactif au cas où. Après, les internautes ne sont pas représentatifs de vos clients, mais notre panel est lui représentatif de cette non-représentativité, ce qui donne plus de crédibilité à vos futures actions…

 

J-P est de nouveau à la case départ. Il a de nombreux chiffres, le point de vue de ses community managers et de son prestataire, mais pas celui de ses publics. Au final, il a l’impression de voir le web par le prisme des plateformes, mais pas par celui des utilisateurs de celles-ci. Et c’est cela qui l’intéresse : comment prendre des décisions en se basant sur les usages, attentes, opinions, besoins de ses publics, et pas uniquement sur les chiffres générés par le API, et qui sont remixés/mis en graphiques ensuite par ses collaborateurs/prestataires ?

 

 

« Social media intelligence » ?

 

Exemple caricatural ? Surement. Totalement fictif ? Surement pas.

Combien d’organisations font de la veille sur les médias sociaux depuis des années et n’en savent pas plus sur leur environnement qu’au départ, hormis que « ça change tout le temps » ? J’en connais quelques-unes, mais peut-être que je ne tombe que sur celles-ci…

 

Loin ici l’idée de dénigrer le travail opéré par de nombreux CM ou veilleurs, et qui vient répondre à des besoins à court terme de génération de fans, de leads, d’engagement, de diffusion, etc. C’est un besoin légitime des organisations, le web est devenu un hypermarché décentralisé où chaque allée est propriété de firmes toujours plus « hypes et trendy », mais surtout spécialistes du cloisonnement de leurs utilisateurs. Normal que chacun veuille un emplacement dans les rayons, et tout faire pour que le consommateur y jette un coup d’œil.

 

De même, il n’est pas question d’être « anti-chiffre », pas de dataphobie ici. Comme il est souvent répété sur ce blog, la question n’est pas de savoir à quoi sert un indicateur (il montre la route à suivre), mais comment il est construit. Et, surtout, comment construire des indicateurs en adéquation avec les besoins opérationnels ET décisionnels de l’organisation ?

Dans un précédent billet, une matrice pour identifier des « leaders d’opinion » était proposée. Celle-ci est construite en partie sur ce que veut l’organisation : quelle prise de décision, quelle action l’utilisation d’indicateurs doit-elle appuyer ? Et non pas, que fait-on à partir de ce que l’on peut collecter ou calculer ?

 

Venant de l’intelligence économique, il me semble que le questionnement est-là : comment agir sur le web en « bonne intelligence » ? Autrement dit, s’appuyer sur un environnement que l’on délimite afin de favoriser des prises de décisions allant au-delà de la simple « réaction » ou visant à perpétuer les « bonnes idées » développées par d’autres. Un terme qui monte (ou pas) est celui de « social media intelligence ». Si, en lui-même, il s’agit d’un énième néologisme, l’idée sous-jacente semble intéressante à creuser : on collecte des opinions, on observe des usages, on produit des indicateurs, et puis quoi ? Pour quoi faire ?

 

 

D’une approche réactive à une vision proactive : le community manager ce médiateur ?

 

L’analyse du contexte apparait comme essentielle. Et même plus, sa structuration : délimiter des territoires d’opinions (là où tel sujet fait débat), circonscrire des habitudes de consommation de l’information, proposer des typologies opérationnelles des usages et pratiques informationnelles, comprendre l’impact des algorithmes des plates-formes…

Dans un billet intitulé définir ses indicateurs d’e-réputation en 7 questions je proposais certaines questions et éléments d’analyse pour structurer ce territoire/environnement informationnel : quel public pour l’organisation, quels volumes d’interactions déjà existants, quels discours sont les plus discutés ou non ?... En résumé, s’approprier les modes de fonctionnement des communautés avec lesquelles on souhaite interagir, non pas par le prisme des API, mais par une observation directe de leurs pratiques informationnelles et documentaire (car oui, c’est surtout d’information qu’il s’agit).

 

Le community manager n’est donc plus la « sonde » de l’entreprise, celui qui tente des choses « pour voir si ça marche » (au risque de provoquer une crise), ou encore le pompier qui vient avec son extincteur numérique répondre aux mauvaises idées de communication, mais il joue un rôle de médiateur. Une « infomédiation » plus précisément : après avoir compris les pratiques informationnelles de ses publics, après voir capter les éléments de discours les plus partagés/acceptés/voulus par ses communautés pour des thématiques précises, après s’être réellement imprégné du contexte, il est là principalement pour orienter les internautes vers les contenus les plus pertinents. Il n’est plus là pour animer, mais pour favoriser l’accessibilité à certaines informations, les interactions avec des discours de l’organisation, ou encore la recommandation de ces contenus afin de faire connaitre l’organisation ou ses dernières actions de communication. Dans le pire des cas, il modère…

 

Les « indicateurs » chiffré des plateformes, les likes et autres retweets, ne sont plus alors une finalité, un objectif à atteindre, mais un moyen d’identifier au mieux les besoins et les usages, de faciliter la compréhension du contexte afin de fournir aux décisionnaires les clé pour construire des discours en congruence (en adéquation) avec les attentes des publics. En somme, partir du principe que « l’habit ne fait pas le moine », mais qu’il aide cependant à rentrer dans l’abbaye : les communautés web ont leurs propres « dress code », les indicateurs sont là pour aider à les comprendre ! Et, par la suite, aider à choisir quel habit enfiler pour mieux faire comprendre son message, et donc développer sa réputation…

 

Pour continuer dans la métaphore, Bernhard Rieder préfère quant à lui parler « d’écume » plutôt que de « communautés » pour traiter de « cette multitude d’interactions éphémères qui restent au-dessous du seuil de sociabilité qu’impliquent la « communauté » et le « réseau ». Dans ce registre métaphorique, l’auteur propose « d’interpréter l’immense production de contenus de toute sorte par les internautes – de messages, images, vidéos, listes de préférences, auto-descriptions, aménagements de profils, systèmes de classification, etc. – comme un travail de création et de maintien d’une bulle ». Voilà le travail d’un community manager : construire et maintenir des bulles dans lesquelles les publics qu’il vise peuvent venir puiser des informations et des contenus. La veille vient alors identifier et circonscrire l’écume, la forme et l’importance de ces interactions pour les publics. Les indicateurs ne sont ici, encore une fois, qu’un outil décisionnel plus qu’une finalité.

 

 

De la mesure à la culture : intégrer plutôt que compter ?

 

Le web peut donc être aborder comme un ensemble de bulles, contenant des contenus et informations, personnalisées au maximum pour favoriser leur partage et attirer l’attention (avec tous les risques d’enfermement que cela représente).

 

Les indicateurs et autres calculs permis par les plateformes ne sont alors qu’un levier pour favoriser la médiation (aspect CM : comment accéder aux contenus des bulles, et comment orienter les publics à l’intérieur de celles créées par l’organisation) et les prises de décisions (aspect veille stratégique : on ne fait pas que de la collecte documentaire, on structure l’environnement pertinent pour anticiper les actions).

 

Mais plus qu’une vision opérationnelle de la mesure, de la production de chiffres, n’est-il pas plutôt question d’acculturation ? Autrement dit, comment faire pour que le contexte dans lequel évolue les publics, soit le même que celui où évolue les collaborateurs de l’organisation ? Comment permettre d’aborder ces indicateurs dans un contexte stratégique (i.e. qui répond aux besoins des publics et aux objectifs de l’entreprise), et non pas seulement comme des computations/calculs des plateformes ?

 

Sur ce blog, et dans mes recherches, je suis partisan de l’infomédiation sociale : s’appuyer sur la curation prescription des internautes afin de capter des éléments de contexte, et aborder les informations qui leurs semblent essentielles ou importantes par leur prisme, et pas celui des plateformes ou algorithmes dont je ne sais que peu de chose. Bref, ne pas miser (seulement) sur l’immédiateté offerte par les algorithmes, mais sur une « infusion » un peu plus lente des habitudes, pratiques, usages, besoins des internautes. Ce n’est pas l’utilisateur qui doit voir sa navigation personnalisée par l’entreprise, mais l’entreprise qui doit personnaliser ses actions en fonction des utilisateurs.

 

Cela peut paraitre une évidence, mais il (me) semble qu’il s’agit de la meilleure voie pour que le web social, ses communautés, ses calculs, ses usages, sa culture, ses liaisons numériques, ne soient plus aborder que comme un média de plus où l’on « fait des campagnes » et où l’on « génère de l’audience »… Mais où l’on profite pleinement de tout cela pour orienter les actions de l’entreprise et être en adéquation avec la vision et les opinions de ses publics.

 

Au final…

 

Voyons-nous nos métiers comme de simples pressages de boutons, remplissages de feuilles excel, et dépendance au bon vouloir des plateformes ? Les organisations doivent-elles se contenter d’aborder le web comme un énième canal de diffusion, mais avec des lolcats et des blagounettes sur des lamas qui prennent le tramway en plus ?

Face à tant d’information, tant de points de vue, d’expertises, de nouvelles formes d’autorités, d’opinions et de débats ne faut-il pas rechercher à intégrer le web comme un environnement permettant d’affiner les décisions à prendre plutôt qu’un ensemble de chiffres, de data (big ou non) qui prendront du sens grâce à l’outil magique ? Qui plus est, pour les praticiens, quand les plateformes proposent de plus en plus d’automatiser la veille ou la gestion des comptes, et, pour les entreprises, quand ces mêmes plateformes contraignent leurs usages et les orientent vers de la publicité sponsorisée...

Un ensemble de questionnement qui vont diriger les futurs billets de ce blog (oui, tout ça pour ça :D), et qui me permettront (après 2 mois de pause, et une année plutôt chaotique en termes de publications) de vous présenter les résultats de mes recherches, mais aussi de mes pratiques et actions au sein d’entreprises.

 

Et vous, comment abordez-vous le web comme levier décisionnel ? Comment, d’après-vous, inciter les organisations à aller plus loin dans leur intégration des actions/discours d’internautes ?!

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24 septembre 2013 2 24 /09 /septembre /2013 13:56

De nombreux professionnels se plaignent que des rumeurs viennent entacher leur réputation ? Mais la réputation est-elle une rumeur, ou se nourrit-elle de rumeur ? Et qu’est-ce qu’une rumeur d’ailleurs ? Voici un petit billet définitionnel afin de poser des définitions derrière un concept fortement employé.

 

 

 

Qu’est-ce que la rumeur ?

 

L’une des définitions communément admise de la rumeur est la suivante : « Bruit qui court transmis de bouche à oreille avec toutes les déformations introduites par chaque individu ». Par les théories de l’information nous pouvons apercevoir la rumeur comme le bruit accompagnant la transmission d’un message. Si analyser un message passe par l’élagage des bruits parasites, définir une information (qui se veut « vraie » d’un point de vue normatif) passe par l’identification des rumeurs pouvant l’accompagner.

 

Froissart (2010, p. 21) nous dit que « la rumeur n’est pas ce monstre aux têtes innombrables et aux pouvoirs illimités contre lesquels l’espèce humaine ne peut rien. Elle est au contraire un phénomène double, à la fois rhétorique et technique, dont on peut mener l’étude ». Etudes en accroissement depuis le début du XXe siècle (Froissart, 2000), et spécifiquement dans les sciences sociales (Aldrin, 2003). Notons que l’intelligence économique s’intéresse à la rumeur qu’elle aborde souvent comme une forme de désinformation volontaire visant à déstabiliser une organisation.

 

Dans un article visant à synthétiser les différents courants de recherche sur la rumeur, Brodin et Roux (1990, p. 48) proposent un tableau récapitulatif des différentes définitions de la rumeur données par des auteurs de référence. De ces définitions, nous pouvons retenir les suivantes :

==> Peterson et Gist (1951) : « Compte rendu ou explication non vérifiés, circulant de personne à personne et portant sur un objet, un événement, ou une question d’intérêt public » ;

==> Morin (1969) : « Il n’y a (…) aucun fait qui puisse servir de point de départ ou d’appui à la rumeur ; l’information circule toujours de bouche à oreille, en dehors de la presse, de l’affiche, même du tract ou du graffiti » ;

==> Rouquette (1979) : « Les traits retenus pour caractériser le syndrome de rumeur sont les suivants : l’implication du transmetteur, l’invérifiabilité directe du contenu, la négativité, les distorsions subies par le message » ;

==> Kapferer (1987) : « Nous appellerons donc rumeur l’émergence et la circulation dans le corps social d’informations soit non encore confirmées publiquement par des sources officielles, soit démenties par celle-ci ».

 

De ces définitions, nous pouvons mettre en exergue que la rumeur est un message portant sur un fait non vérifié (et que l’émetteur originel du message est lui aussi inidentifiable). Que ce message repose sur un mécanisme de transmission principalement interpersonnel, et que cette transmission accroit la distorsion dudit message. Nous pouvons voir ici quelques points de convergences entre la rumeur et la réputation : celle-ci repose sur la transmission de messages d’un individu à l’autre, ou par le biais d’un média (comme la rumeur d’ailleurs –Froissart, 2010), et ces messages peuvent éventuellement être altérés ou modifiés au cours de leurs transmissions.

Seulement, contrairement à la rumeur, la réputation repose sur des faits de départ propres à un individu ou à un groupe (l’expérience) ou rapportés, et qui peuvent être identifiés. Cependant, c’est de la manière dont ces faits sont rapportés que peuvent naitre les rumeurs, tout comme la réputation : la valeur qui sera donné à telle ou telle expérience, ou à telle ou telle information, viendra influer sur le jugement, sur l’opinion du récepteur. Si ce fait est biaisé, l’évaluation le sera aussi.

 

Comment se forme la rumeur ?

 

Par le prisme des approches que Brodin et Roux (1990, p. 51) qualifient de « fonctionnalistes », cinq mécanismes apparaissent à l’origine de la création d’une rumeur :

==> L’omission : certains éléments du message d’origine ne sont pas transmis

==> L’intensification : certains éléments sont au contraire renforcés

==> La généralisation : extension du sujet ou du prédicat à une classe plus large

==> L’attribution : désignation de la source du message

==> La « surspécification » : rajouts de détails, de précisions

 

Soulignons que ces mécanismes peuvent résulter des actions de l’entité sur laquelle porte la rumeur : une organisation, en souhaitant développer certaines images dans l’esprit de ses publics cibles, ou en voulant gérer sa réputation, peut omettre, intensifier, etc., certains aspects de son identité. La rumeur peut donc découler d’une tentative de gestion de sa réputation ou de son image mal « maitrisée », ou plutôt dont les conséquences sont inattendues.

 

Pour Rouquette (1990, p. 121-122) le syndrome de la rumeur repose sur deux facteurs essentiels qui le rendent ainsi cohérent : la cohésion sociale et la consistance cognitive.

La cohésion sociale repose sur l’hypothèse « que l'individu privilégie son inscription identificatoire dans un groupe particulier, celui-ci ne pouvant être singularisé que s'il diffère explicitement d'au moins un autre. Autrement dit, le sujet recherche, affirme et confirme une spécificité sociale qui ne peut aller sans différenciation ». La rumeur se construit alors en partie pour différencier un groupe d’un autre, puisque la transmission d’un message au sein de ce groupe passera par une nécessaire personnalisation identificatoire pouvant en détourner le sens.

La consistance cognitive « correspond au fait que les individus cherchent préférentiellement à maintenir ou à rétablir la cohérence interne de leur système cognitif. Celle-ci est assurée lorsque les informations, les opinions ou les croyances afférentes à une situation particulière sont mutuellement compatibles ». Une information « non-compatible » pouvant être distordue pour devenir compatible, créant ainsi une rumeur. Et, à l’inverse, une rumeur s’inscrivant dans la consistance cognitive d’un individu sera plus aisément acceptée comme un fait tangible. La réputation semble aussi prendre racine dans ces deux facteurs. Nous pouvons supposer que la réputation participe à la constitution de la consistance cognitive d’un individu, puisqu’elle permet d’articuler différentes opinions, de les rendre cohérente pour une situation que l’on souhaite évaluer. Ou à l’inverse qu’elle en résulte : un sujet sera enclin à formuler une évaluation en fonction d’opinions ou de jugements compatibles avec ses schémas mentaux.

 

Fine (2006) précise que les rumeurs font partie intégrante de la société civile et que (jusqu’à un certain point) elles garantissent la stabilité sociale. Pour l’auteur, la rumeur construit la mémoire collective autant qu’elle s’appuie sur celle-ci. Tout comme la réputation en somme, qui s’intéresse aux actions passées d’une entité, et qui repose sur des valeurs partagées par un groupe (ce que l’auteur nomme des « communautés de jugement »). Toujours pour Fine (Op. Cit., p. 21) : « La rumeur compte dans la formation de la confiance. À l’inverse, la confiance définit les contours de la rumeur ». Il en va de même pour la réputation qui, comme nous l’avons vu et comme nous le questionnerons plus avant dans la suite de ce chapitre, participe à la formation de la confiance entre deux entités et repose sur elle.

 

Enfin, Brodin et Roux (1990) soulignent que les rumeurs touchent directement les organisations dans leur développement économique (cas à l’appui –voir aussi Froissart, 2010), mais représentent en même temps un intérêt managérial, puisque celles-ci peuvent amener à identifier des failles dans les actions de communication ou de marketing de l’organisation, ou encore des produits/services en non-conformité avec les attentes de leurs clients. La réputation de même.

 

Rumeur et (e)réputation

 

A partir de ce rapide panorama de la notion de rumeur nous pouvons dire que la réputation n’est pas une rumeur, elle s’appuie sur des faits expérientiels et sur des émetteurs identifiables. Cependant, la rumeur peut participer à la construction des représentations que l’on se fait d’une entité, influant alors directement sur l’évaluation produite, et in fine sur la réputation.

 

La rumeur et la réputation fonctionne sur les mêmes mécanismes de transmission de l’information, et la rumeur, si elle est seule source d’expression d’une opinion, peut alors influer sur la réputation (la rumeur comme réputation négative ?). D’un point de vue instrumental (gestion de la réputation) la notion de rumeur permet d’évaluer la qualité des signaux informationnels et des filtres d’information (ceux par lesquels le message est modifié par exemple), voire la mise en conformité des signaux émis par rapport au contexte (puisque la rumeur se repose sur des croyances collectives).

 

La rumeur ne doit donc pas être, comme les avis jugés négatifs, appréhendée seulement comme un risque par les organisations, mais comme un moyen de mieux évaluer leur réputation, d’identifier certaines informations non-factuelles, voire identifier certains fantasmes à son propos… Et sur le web, ces mécanismes de construction de la rumeur se trouvent accentuer par les capacités de chacun à retransmettre l’information, à la remixer, mais aussi à « produire du second degré » (du LoL quoi) parfois mal interprété ou pris au premier degré. D’où l’importance d’identifier les internautes « leaders » venant amorcer la diffusion d’un message, ou encore de s’intéresser à ceux qui filtrent l’information pour des communautés…

 

Bibliographie

Philippe Aldrin, « Penser la rumeur Une question discutée des sciences sociales », Genèses, 2003/1 no50, p. 126-141.

Oliviane Brodin and Elyette Roux, Les recherches sur les rumeurs : courants, méthodes, enjeux managériaux, Recherche et Applications en Marketing, Vol. 5, No. 4 (1990), pp. 45-70

Gary Alan Fine, « Rumeur, confiance et société civile » Mémoire collective et cultures de jugement, Diogène, 2006/1 n° 213, p. 3-22.

Pascal Froissart, « Historicité de la rumeur » La rupture de 1902, Hypothèses, 2000/1 p. 315-326

Pascal Froissart, La rumeur. Histoire et fantasmes, Belin, Paris, 2010 (Ed. Originale 2002), 368p.

Michel-Louis Rouquette, Le syndrome de rumeur, In: Communications, 52, 1990. pp. 119-123

 

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29 août 2013 4 29 /08 /août /2013 15:47

 

Leader_1.jpgLa question du leader d’opinion est centrale à de nombreuses actions sur le web. Si certains parlent « d’influenceurs », il est nécessaire de souligner d’une part que le leader d’opinion n’existe pas en soi, qu’il s’agit d’une construction de l’organisation qui souhaite l’intégrer à ses stratégies. Et d’autre part de proposer des critères, et en l’occurrence une matrice, pour les identifier.

 

 

Les réflexions présentées ici sont issues d’une communication réalisée avec Marie Haikel-Elsabeh et présentée l’année dernière lors du colloque M@rsouin. Pour ce billet de rentrée, voici une réflexion en deux parties : pourquoi le leader d’opinion n’existe pas en soi, et comment « construire » et identifier un potentiel leader utile à vos stratégies.


Et pour celles et ceux qui veulent gagner du temps, la matrice prêt à l’emploi est à la fin du billet (mais bon, mieux vaut lire un peu les détails).

 

 

Le leader d’opinion existe-t-il vraiment ?

 

Faisons tout d’abord une croix sur la traduction du terme anglais influential : l’influenceur. Comme je le disais dans ce billet (et à la suite d’autres) l’influence se mesure suite à une action, elle ne peut se définir avant. Qui plus est, parler « d’influenceurs » suppose que ces dites personnes influencent intentionnellement. Ce qui peut être en partie vrai. Mais généralement, l’emploi de ce terme désigne des individus dont l’influence serait constante, dont les discours et les actes modifieraient quoi qu’il arrive certains comportements… Bref, que peu importe la situation, et surtout les objectifs de l’organisation, l’influenceur influence…

 

Mais qu’est-ce qu’un leader d’opinion ?


Il existe de très nombreuses définitions du leader d’opinion (en gestion et marketing principalement). Pour notre communication nous avons lu pas mal d’entre-elles (Lazarsfled, Feick et Price, del Carmen, Acar, Kozinets…), pour arriver à un constat : beaucoup d’entre-elles sont contradictoires !


Nous pouvons partir sur la définition donnée par Vernette en 2006 : le leader d’opinion est « une personne qui exerce une force d’attraction (physique, psychologique et/ou sociale) sur son entourage et qui dispose d’une forte crédibilité dans une catégorie de produit. Ses jugements et comportements influencent les attitudes et les choix de marques de son entourage dans ce domaine ».


Selon les auteurs, les caractéristiques d’un leader d’opinion sont alors nombreuses : connaissance et expertise sur une catégorie de produit, extraversion, réseau social développé, etc. Sur le web social, un leader d’opinion semble avoir les caractéristiques suivantes : fort partage de contenus liés à un produit (pour Vernette et Flores), capacités de recommandation d’un produit (pour Feick et Price), forte activité de partage de contenus sur les réseaux socionumériques (pour del Carmen), ou encore un temps important passé en ligne (pour Acar). En résumé, un ensemble de caractéristiques difficilement associables dans l’absolu, et qui surtout sont applicables à de (très) nombreux internautes…


L’utilité, pour une organisation, d’intégrer de leaders d’opinion à ses stratégies web est de pouvoir orchestrer une diffusion virale de ses contenus (le buzz quoi). Plus que changer les opinions, pour une organisation sur le web, un potentiel leader d’opinion va favoriser la diffusion de contenus porteurs d’opinions (et si possible allant dans le sens de la stratégie de l’organisation). Mais, encore une fois, la viralité, et surtout sa « manipulation » ne vont pas de soi… Et sont loin d’être une science exacte…


 

La viralité : plus une question de chance que de contrôle ?

 

Dans un très bon article, le chercheur Kevin Mellet propose une synthèse des principales recherches concernant la diffusion virale des contenus en ligne (et plus globalement le marketing viral). Sans (re)synthétiser l’ensemble de ces constats, on peut souligner que :


==> De nombreux travaux de recherche contestent l’existence même « d’influenceur » et de l’impact qu’un seul individu pourrait avoir dans un mécanisme de diffusion virale des contenus


==> Une grande partie des résultats d’une stratégie de diffusion virale est laissée au hasard


==> La réussite d’une stratégie de bouche à oreille dépend plus du contexte que de l’identification et du relai d’internautes clés


==> Les « internautes lambda » (et acceptant de jouer le jeu de l’organisation) sont les principaux leviers d’une diffusion virale


==> Les messages produits par l’organisation sont rarement transmis tels quels, mais ils sont constamment remixés voire détournés. D’où l’importance d’ailleurs de bien observer la manière dont les internautes prescrivent l’information, ainsi que les mécanismes algorithmiques propres aux plates-formes web.


En résumé : la viralité s’active pus qu’elle ne se gère, et les leaders d’opinion sur le web n’en sont pas irrémédiablement les acteurs clés. La question, pour une organisation, n’est pas alors de savoir « où sont les leaders sur ce sujet », mais plutôt « comment identifier les internautes pouvant appuyer une stratégie de diffusion définie ». Et ce en fonction du contexte et de certains indicateurs pouvant laisser supposer que ces internautes ont la capacité d’appuyer la dite stratégie.


Le leader d’opinion sur le web apparait alors comme un artefact, une construction de l’organisation venant répondre à ses attentes. Les indicateurs nécessaires à son identification sont ceux produits par les plates-formes (likes, RTs, followers, etc.). Mais surtout, rien ne sert d’identifier des relais clés sans avoir clairement défini à l’avance sa stratégie, les types de contenus à (re)diffuser, les publics, les communautés, et bien entendu le contexte.

 

 

Trois grandes catégories d’indicateurs : structurelle, réputationnelle et informationnelle

 

Plutôt que des « leaders » parlons de diffuseurs : des internautes dont certains indicateurs d’activité peuvent favoriser la diffusion des contenus et des messages d’une organisation. Même si leur détection est loin d’être fiable, et si leurs capacités de diffusion se mesurent après-coup, il est possible de s’appuyer sur certains critères/indicateurs pour estimer leur pertinence dans une stratégie.


Par expérience (pour avoir mis en pratique la matrice qui va suivre) ces critères ne sont en rien prédictifs (bien que parfois), mais permettent dans l’absolu de faire le tri entre les internautes que l’on cible précisément, ceux que l’on souhaite seulement observer, et les autres. Avec Marie, nous proposons de classer ces indicateurs/critères selon trois grandes approches/catégories que voici.


L’approche structurelle, consiste à identifier le leader d’opinion par son contexte et son positionnement dans un réseau :


==> Par contexte, nous entendons l’activité informationnelle entourant les thématiques que ce potentiel diffuseur aborde, et dont l’évaluation peut passer par des questionnements du type : y a-t-il de nombreux acteurs qui traitent du sujet ? Le sujet est-il fortement traité ou non sur le web ? Existe-t-il un public actif (qui produit de l’information, engage des conversations, etc.) ou non pour ce sujet ?

==> Par positionnement sur un réseau, nous proposons de nous reposer sur l’analyse des réseaux sociaux et la théorie des graphes (à l’aide d’outils comme NodeXL ou Gephi), et de définir ainsi chez l’individu observé (par rapport à un réseau donné) :

==> La présence de trous structuraux (l’individu fait-il le lien entre plusieurs groupes), avec des critères comme le volume de contacts, la densité de ces contacts ou encore les liens entre ces contacts

==> Les formes de liens, forts ou faibles, avec des critères comme la fréquence d’interaction, les formes d’interaction (ce que le potentiel diffuseur dévoile de lui) ou encore la proximité

==> La centralité du diffuseur dans ses réseaux : de degré (nombre de contacts nécessaires pour atteindre tous les autres), de proximité (contacts directs ou indirects) ou encore d’intermédiarité

 


L’approche réputationnelle suppose des s‘intéresser à l’autorité (plus que l’influence) d’un internaute en se questionnant sur divers critères liés à son identité numérique et à ses publications sur le web :


==> La notoriété dans une communauté donnée du potentiel diffuseur (l’associe-t-on aux sujets qui intéressent l’organisation ? Est-il souvent cité ?)

==> Sa popularité/visibilité sur le web (tout du moins celle de ses supports d’expression) pour des requêtes précises : volume de liens entrants, positionnement sur les moteurs de recherche, audience, volume d’abonnés

==> L’expertise, et par comparaison de celles déjà existantes sur le sujet. Mais surtout en fonction des attentes du public

==> Le volume d’information/contenus diffusé

==> Des critères quant à la crédibilité même des sources où il s’exprime

 


L’approche informationnelle, soit la manière dont les informations et contenus qu’il diffuse sont « utilisés » par un public donné :


==> Volume de (re)diffusion de ses contenus sur le web

==> Volume de commentaires associés à ses contenus

==> Type et contenus des commentaires (ou métadonnées) associés à ses contenus

==> Références au contenu produit ou à l’information diffusée lors de débats au sein d’un réseau/communauté

==> Ou encore les possibles détournements qui sont faits de ses contenus ou informations qu’il diffuse


Vous trouverez sur ce blog ou ailleurs une multitude d’outils vous permettant d’accéder à ces indicateurs.

 

 

Définir l’impact voulu : faire connaitre, faire voir, faire partager et faire réagir

 

Si avant toute chose vous devez définir une stratégie, il convient alors d’en établir les résultats souhaités. Ces résultats visent à mettre en corrélation les indicateurs de détection des diffuseurs avec les effets que l’on peut (ou que l’on veut) attendre de leur part. Encore une fois, le but est ici de structurer une stratégie afin de ne pas se reposer sur une approche au doigt mouillé… Ces impacts voulus peuvent être abordés en quatre catégories (non exhaustives et groupables).


Faire connaitre, que l’on peut traduire par l’accroissement de la notoriété du produit/service ou de la marque. Sur le web, ces critères peuvent être :


==> Le volume de liens entrants générés vers la source où est le contenu que l’entreprise veut diffuser

==> La visibilité et le positionnement du nom du produit/service/marque sur les moteurs de recherche ou certaines plates-formes

==>  Les reprises du discours ou des contenus produits par d’autres sources

==>  Le volume de reprises du nom du produit/service sur une plate-forme donnée (par exemple, les retweets sur Twitter)


Faire voir, soit le fait de générer une audience et de la pérenniser par la suite (pour une vidéo publicitaire ou un site de marque par exemple). Les indicateurs de mesure d’audience sont généralement :


==> Le volume de visiteurs uniques en provenance directe

==> Le volume de visiteurs uniques provenant d’autres sources

==> Le volume de visiteurs uniques en provenance des moteurs de recherche

==> Le volume de pages vues

==> Le temps de visite par visiteurs

 

Faire partager, à savoir inciter, voire se reposer sur la propagation du contenu ou de l’information par le public cible (principe de la viralité). Les indicateurs d’impacts sont ici multiples en fonction des plates-formes (tweets sur Twitter, likes sur Facebook, trackbacks sur les blogs, +1 sur Google+, etc.).


Faire réagir, soit inciter les internautes à commenter les contenus produits, à les noter ou les évaluer.

 

 

Proposition d’une matrice

 

Le tableau suivant vise donc à regrouper les indicateurs de détection et ceux d’impact, et permettre de les croiser. Par exemple : pour faire connaitre un produit, il faudra identifier et calculer tels indicateurs d’un internaute potentiel diffuseur.


Notons que les critères/cractéristiques sont indicatifs et que de nombreux autres peuvent être ajoutés (en fonction du contexte, des plates-formes, etc.).


 

Matrice-leaders-opinion.jpgCliquer pour agrandir l'image


 

Au final…

 

Vous pourriez m’objecter que Klout et d’autres proposent déjà cela… Ce à quoi je réponds : oui, mais là pas question d’un algorithme obscur, mais de vos propres choix en fonction de votre propre stratégie.


Vous pourriez me dire qu’il existe de nombreux autres indicateurs. Oui, mais le but de cette matrice n’est pas de vous donner une recette magique, mais bien de voir comment structurer sa propre grille de détection et de mesure.


Enfin, il peut paraitre paradoxale de souligner que les leaders d’opinion (et autres influenceurs) n’existent pas dans l’absolu, et proposer au final une grille d’identification. Mais encore une fois, la question n’est pas de savoir « qui est le plus influent », mais « qui va pouvoir appuyer certains de mes objectifs ». Et plus spécifiquement de diffusion. Sachant que, bien entendu, vous ne pouvez en rien prédire ce qui se passera, mais seulement prévoir ce en quoi tel ou tel « leader » participera ou non au bon déroulement de votre stratégie.

 

Et vous, quels critères employez-vous pour identifier et caractériser des internautes ? Que pensez-vous de croiser les effets désirés à des indicateurs plus conventionnels ?!

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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 17:40

MesureSur le web la plupart des professionnels ou outils cherchent l’influence : des contenus, des internautes… Mais l’intégration progressive des attributs de l’identité numérique des internautes dans la hiérarchisation des informations produites sur les plates-formes web amène à ne plus que questionner en termes d’influence mais d’autorité.

 

 

Vous l’avez surement remarqué, mais Google intègre de plus en plus (grâce notamment à Google+) l’identité des auteurs des contenus qu’il vous renvoi dans ses  pages de résultats :


Autorite.jpg


Sans pour autant être connecté à Google+.  Et ce n’est que le début, car l’un des développements les plus intéressant du web cette année apparait comme l’intégration de l’AuthorRank par Google (annoncé d’ailleurs dès 2011, mais déployé vraiment en 2012).


Cette focalisation sur l’auteur plutôt que sur le contenu n’est pas neuve en soi : comme le précise Oliver Ertzscheid, le PageRank a toujours mesuré des auteurs plus que des pages. Dans son billet, il précise ensuite que plus que « l’influence », c’est de l’autorité de l’auteur qu’il est question. De plus, et comme je le signale régulièrement : l’influence est subjective et son acceptation sur le web est synonyme d’audience/médiatisation/diffusion, et non pas « d’influence sociale ».


Alors en quoi cette intégration des attributs de l’identité numérique d’un auteur de contenu participe-t-elle au développement de cette autorité ? Pourquoi définir l’autorité répond mieux à certaines stratégies que « mesurer l’influence » ? Voici quelques réflexions sur le sujet…


 

La quête de "l’influence" : un défi insurmontable ?


Influence, influencé, influenceurs… Les mesures de l’influence sur le web proposées par les professionnels sont nombreuses : quantitatives ou qualitatives elles reposent nécessairement sur ce que les plates-formes veulent bien donner. Comme le soulignent Boullier et Lohard dans leur ouvrage « Opinion minning et sentiment analysis » (accessible intégralement en ligne) influencer répond à plusieurs mécanismes : attirer l’attention, attirer de l’audience, susciter la conversation, orienter la discussion ou encore faciliter la circulation d’une expression ou d’un contenu.


Mais dans tous les cas, des limites apparaissent vites : les indicateurs fournis par les plates-formes sont rarement à la même échelle, ces indicateurs varient constamment, les algorithmes qui les traitent aussi (comme Google, ses pandas et autres pingouins), ils sont rarement prédictifs et prennent de la valeur après l’action effectuée. Mais surtout, l’influence est une construction, c’est pour cela que l’on parle « d’indicateurs » : on s’oriente par rapport à la supposition que tel ou tel individu va répondre à des objectifs que l’on s’est fixé (si l’on veut s’appuyer sur cette dite influence), en fonction de ses propres référents ou attentes.


Pourtant, le « standard de l’influence » qu’est Klout a le vent en poupe. Au-delà de l’estime de soi qu’il permet (« t’as vu mon Klout ») il me semble qu’il répond à une question essentielle : comment « commensurer » (soit traduire des indicateurs qualitatifs en mesures quantitatives) l’activité d’un internaute sur le web ? Et ce à partir certes de son activité (volume et types d’échanges par exemple), mais aussi des attributs de son identité numérique.


L’identité numérique peut être abordée schématiquement comme le regroupement de trois types d’identités en ligne : l’identité déclarative (les informations que je mets en ligne), l’identité agissante (ce que je fais, mon activité) et l’identité calculée (ce que les plates-formes produisent à partir des deux premières). Klout joue moins sur l’identité agissante (qui est peu pérenne et difficile à computer) que sur la redocumentarisation (le calcul et la mise en contexte schématiquement) de l’identité calculée. Ce faisant, il produit des indicateurs réputationnels : la réputation est un calcul qui, pour les économistes notamment, est facteur de confiance dans les relations. Klout génère alors des « marqueurs » de réputation qui font favoriser ou non les relations que l’on aura avec l’entité évaluée (spécialement pour les entreprises qui cherchent de « l’influence », mais surtout des relais venant rendre crédibles leurs discours).  Klout (et consorts) est donc moins un marqueur d’influence que d’autorité, et spécifiquement d’autorité réputationnelle donc.


Mais là où l’AuthorRank va plus loin, c’est en produisant des classements à partir de l’ensemble des attributs identitaires en ligne d’un internaute : les informations qu’il met à disposition sur lui, son agir, sa notoriété, sa position dans un réseau ou un groupe, les indicateurs déjà produits à son encontre, etc. Ce faisant, il structure le web à partir de l’autorité des internautes, et en particulier à partir du calcul de leurs identités numériques et des différents attributs qui les composent.


L’ensemble des critères qu’il prend en compte se retrouvent alors en partie dans le concept d’autorité informationnelle…

 

 

De l’autorité informationnelle à l’autorité réputationnelle ?


Plusieurs types d’autorités existent. L’influence est par exemple à rapprocher de l’autorité cognitive : elle repose sur l’influence de pensée entre deux individus (qui influence qui ?), et s’appuie là-aussi sur la crédibilité et la réputation (comme Klout donc en partie).


La chercheuse Evelyn Broudoux, pour pallier notamment à cette seule notion d’autorité cognitive, propose le concept d’autorité informationnelle. L’idée est ici de se focaliser non pas sur la manière dont un individu va influer sur le comportement d’un autre individu, mais sur le processus qui va permettre de mettre en forme (in-former) pour renseigner quelqu’un sur quelque chose.


Force est de constater que l’intégration de l’identité numérique des auteurs aux résultats des moteurs de recherche vient répondre à cette volonté de « renseigner sur » et de mettre en forme : si vous devez choisir cette information, c’est parce que le processus qui l’a mis en visibilité repose sur une sélection d’attributs identitaires significatif de plusieurs types d’autorités constitutives de l’autorité informationnelle. Soit, selon Broudoux (et remixé pourle web) :


==> L’autorité énonciative : la notoriété ou encore l’expertise telles qu’elles sont couramment mesurées sur le web ;


==>  L’autorité institutionnelle, que l’on peut transposer aux règles de fonctionnement des plates-formes (qui est administrateur, modérateur, qui a le droit de faire quoi et autres CGU). Comme Google qui va édicter ce qu’il est bon de faire ou non en termes de référencement sur sa plate-forme ;


==>  L’autorité du support : sur le web nous pouvons alors parler de popularité (d’un blog par exemple, avec les critères classiques mettant au centre les liens entrants) ;


==>  L’autorité du groupe, soit la place de l’auteur dans les réseaux ou communautés dans lesquelles il évolue (les « cercles » pour Google par exemple).


Si nous rajoutons à cela l’autorité issue des différents calculs de l’identité numérique des internautes, nous pouvons alors parler d’autorité réputationnelle : elle vient donner forme sur le web à l’ensemble des opinions et informations portant sur une entreprise (un individu ou un fait) en les structurant, leur donne du sens (pour la communauté qui les produits) et en permet de les hiérarchiser.

 

 

Et concrètement pour la gestion de l'e-réputation ?

 

Comme je l’expliquais à l’ISCC, l’e-réputation est plus un ensemble d’attributs (d’indicateurs) attachés à la présence numérique d’une organisation, qu’une image ou une perception (de manière très rationnelle). Le fait que des plates-formes comme Google s’appuient sur l’autorité réputationnelle des internautes pour produire des classements de contenus doit alors questionner les entreprises : en quoi l’autorité d’un internaute qui prescrit mon contenu ou le discute vient renforcer ou non ma propre autorité ? Car c’est de cette autorité qu’acquerra l’entreprise par sa présence que dépendra sa capacité à gérer son e-réputation : pour faciliter la prescription de contenus, pour les médiatiser, pour les rendre crédible, pour favoriser les relations avec son public (but premier d’une « bonne réputation »).


Plus que mesurer la possible capacité d’un internaute à médiatiser du contenu (ce que l’on entend donc généralement par « influence ») ou à générer de l’audience, il me semble que les entreprises ont tout à gagner à reformuler cette question, et à se poser la suivante : en quoi l’autorité réputationnelle d’un internaute va participer à la structuration de ma présence en ligne ? Ainsi que nous l’avons vu, cette autorité de l’internaute participe à la structuration du web globalement (ou tout du moins de l’information sur certaines plates-formes). Si l’influence consiste à capter l’attention des internautes, les indicateurs réputationnels signes d’une autorité vont permettre à l’entreprise d’orienter l’attention des internautes : en structurant son environnement informationnel (ce qu’elle produit) par l’appui de l’identité numérique des internautes (et de l’autorité qui s’en dégage), l’entreprise va orienter l’attention des internautes vers ce qu’elle veut leur faire voir (ou pas).


Qui plus est dans un web de plus en plus « en bulles » où la visibilité des contenus est segmentée en fonction des diverses « liaisons numériques » qui unissent les internautes. L’entreprise va alors devoir évaluer la manière dont les diverses autorités qui forment l’autorité réputationnelle de l’internaute lui permettent de participer à la hiérarchisation des contenus sur le web. Car en utilisant l’identité numérique d’un internaute comme facteur de pondération des résultats, les plates-formes produisent du sens : elles remettent en contexte l’information concernant l’entreprise. Et in fine son identité (pour ne pas parler « d’image » qui est propre aux perceptions de chacun).


Pragmatiquement, des plates-formes comme Aliaz donnent une vue d’ensemble de la présence d’un internaute. Il devient alors plus aisé de s’interroger, et surtout d’observer : sa notoriété (volume de citations par exemple), la manière dont il répond aux règles des plates-formes, la popularité des supports sur lesquels il s’exprime, son positionnement dans une ou plusieurs communauté (analyse des réseaux), ainsi que les attributs identitaires qui vont participer à différents calculs (son volume de followers, de like, etc.).


L’entreprise doit alors analyser : la façon dont ces différents critères sont intégrés et « computés » par les algorithmes des plates-formes. Et surtout (puisque ces algorithmes fonctionnent en « boite noire » et changent constamment) le sens, c’est-à-dire la mise en contexte, que ces critères et attributs identitaires donnent aux informations diffusées : crédibilité, expertise, confiance, etc.


Au final, cette question de la place de l’identité numérique et des nouvelles formes d’autorités qui en découlent mériterait un très large développement (ce que je suis en train de faire mais pas sur ce blog ). J’essaierai de revenir un peu plus tard sur des éléments plus pratiques d’évaluation. Ce que j’essayais surtout de dire ici peut se résumer ainsi : l’influence comme capacité de diffusion à moins d’importance pour la gestion de son e-réputation que l’autorité comme structuration et mise en contexte des informations. Autorité de plus en plus dépendante de l’identité numérique des internautes…

 

Et vous, comment intégrez-vous ces modifications ? Quelle place donnez-vous à l'autorité des internautes dans vos stratégies, et comment l'identifiez-vous ?!

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6 septembre 2012 4 06 /09 /septembre /2012 12:43

Gerer-e-reputation.pngSi certains proposent même de la « maitriser », il peut sembler de prime abord que « gérer » une perception et une forme d’évaluation souvent irrationnelle est difficilement faisable. Qui plus est lorsque l’on souhaite industrialiser cette gestion, au risque de passer à côté de nombreuses subtilités en privilégiant une approche court-termiste.

 

Gérer quelque chose c’est le diriger dans le sens que l’on souhaite lui donner, avec une certaine souplesse (sinon on retombe dans l’idée de maitrise). Sur le web, l’on peut généralement gérer ses propres flux d’informations mais rarement ce que les autres en feront (les exemples de débordements sur des pages Facebook sont légions).


Ceci étant, il est intéressant de voir les éléments constitutifs de la réputation en ligne, avant de se questionner sur ce qu’une entreprise peut « gérer » ou non :


==> L’e-réputation est une forme d’évaluation : elle est nécessaire, par exemple, pour des choix rationnels, comme faire confiance à un prestataire, entrer en contact avec untel, dialoguer avec un autre, etc. Cette évaluation est de plus sur le web clairement visible à grande échelle : volume de contacts sur un réseau, de recommandations, de notes, etc.


==> L’e-réputation est une somme d’opinions : qui ne permettent pas alors de la définir globalement, et qui reposent soit sur des éléments factuels (expérience, informations), soit sur des jugements parfois plus irrationnels


==> L’e-réputation est une perception et/ou un ensemble de sentiments face à une entité ou une situation : et là, difficile d’une part d’évaluer le traitement cognitif qui sera fait d’une information par exemple. Et d’autre part de définir ou mesurer les dits sentiments.

 

La réputation relève donc à la fois du rationnel (ce qui est gérable sur le web : mettre en avant des éléments que l’on souhaite voir évaluer) et de l’irrationnel (que l’on peut influencer, mais en aucun cas diriger vers un but bien défini).


 

Gérer l’e-réputation ce n’est pas faire (que) du CRM


Généralement, une entreprise lance son produit sur le web, produit un discours, puis va par la suite corriger ou répondre ce qui lui semble négatif ou n’allant pas dans le sens des objectifs qu’elle s’est fixée. Seulement voilà : une fois que le public cible a engrangé une information, a établi une évaluation sur les actions d’une entreprise, difficile de revenir en arrière. La base des perceptions et des sentiments est posée, le simple fait de dialoguer ne changera pas la réputation en profondeur.


La relation cliente est certes importante, si l’on veut par exemple avoir la réputation « d’être à l’écoute »… Mais nous n’avons pas une seule réputation, une entreprise ne peut compter que sur sa capacité à corriger ses erreurs ou à les reconnaitre (voire à en rire, comme la RATP récemment).


Si l’on vous juge sur vos actes et ce que l’on en dit par la suite, alors autant prévoir un tant soit peu la manière dont ceux-ci seront jugés/évalués. Notamment en prenant en compte le contexte dans lequel vous souhaitez vous exprimer avant même de produire un discours ou de lancer une action. Dans tous les cas, dialoguer est une bonne chose, mais cela n’empêchera ni les rumeurs (aspect irrationnel), ni le fait que les traces laissées dans la mémoire de votre public jouera fortement (ou non, on ne peut le savoir) par la suite dans la relation qu’ils auront avec l’entreprise.


De plus, l’e-réputation n’est pas que du SEO… Si effectivement, éviter de rendre visible certaines opinions défavorables aux objectifs de l’entreprise permet d’empêcher que celles-ci continuent à se propager dans le temps, les récentes modifications des moteurs et de la mise en visibilité des contenus en fonction des préférences de chacun rend de plus en plus complexe cette gestion. Car, alors, il devient impossible de penser en termes de gestion globale, mais seulement en termes de contexte.


 

L’e-réputation n’est pas globale et évolue dans le temps


Comme je le disais il n’y a pas longtemps : l’e-réputation globale n’existe pas. Elle est fonction des communautés, de la manière de l’analyser, etc. Ceci étant, il apparait donc impossible de gérer l’e-réputation de manière globale avec des processus (efficaces) reproductibles ! Qui plus est sur le web où la multiplicité des plates-formes et des communautés rend la définition d’une image unique quasi-impossible et surtout vide de sens : vous n’avez pas un public, vous êtes face à un ensemble d’individus aux perceptions, attentes et comportements hétérogènes.


De même, le contexte numérique  dans lequel une entreprise va évoluer est mouvant. Il change en fonction des évolutions technologiques et d’usages, de ce que font les autres entreprises, des événements qui se déroulent… Cette prise en compte est par exemple nécessaire pour l’analyse des sentiments ou du sens donné à une opinion.


Vouloir gérer son e-réputation suppose donc de prendre en compte ces différents contextes (qui peuvent être très nombreux pour une marque à forte notoriété), et de proposer des actions en adéquation avec chacune d’entre eux. Tout en gardant à l’esprit que l’ensemble de ces actions doivent rester cohérentes entres-elles… Ce qui ne rend pas la chose impossible, mais très complexe.

 

 

Gérer des opinions : non… Mais les influencer ?


Bien évidemment vous ne pouvez pas dire à quelqu’un ce qu’il doit penser, ou ce qu’il doit dire (certains essayent pourtant avec des actions en justice, mais c’est un autre débat). Comme vous ne pouvez pas être dans sa tête pour savoir ce qu’il pense.


Il est cependant possible, après une observation attentive et sur une durée assez longue, d’essayer de prévoir la réaction d’un groupe face à une information ou un événement. De comprendre, par exemple, que proposer des biberons en plastique non-recyclables à une communauté de mamans écolos risque d’engendrer des opinions peut plaisantes. Que celles-ci rendront visible ces opinions, pas forcément à l’ensemble des internautes, mais tout du moins à un public réceptif à ce genre de problématique.


Mais, dans tous les cas, l’humain est ainsi fait : ce n’est pas une machine. Et malgré les méthodes statistiques toujours plus poussées, les Big Data toujours plus Big, la visualisation de millions et de millions d’interactions, vous ne pourrez pas prévoir (et encore moins gérer) dans l’absolu ce que l’on fera de vos informations, et la manière dont on évaluera vos actions.


Ceci étant, s’il parait complexe voire impossible donc de diriger une perception, il est possible d’influer sur elle. D’identifier celles ou ceux qui peuvent médiatiser un message. De dialoguer avec les détenteurs d’une expertise visible et légitime. De focaliser l’attention sur certains points et pas sur d’autres, de jouer sur les indicateurs numériques de l’e-réputation (s’ils sont compris et acceptés par tous), etc. De nombreuses méthodes existent, mais elles ont pour point commun d’être ponctuelles et de nécessiter d’être continuellement renouvelées. Bref, si les stratégies d’influence peuvent être efficaces pour bâtir ou maintenir son e-réputation, elles ne sont jamais pour autant pérennes. Là où la gestion suppose une idée de temps long…

 

 

Doit-on industrialiser la gestion de l’e-réputation ?


Au vu des rapides constats posés ci-dessus, on pourrait se questionner sur la possibilité « d’industrialiser » la gestion de l’e-réputation, de développer des processus efficaces à chaque fois ou encore pérenne dans le temps. Après avoir posé certains de ces constats lors de l’ErepDay, la question m’a été posée : « effectivement, l’e-réputation, sa mesure et sa gestion, sont complexes. Mais comment les industrialiser ? ».


Après réflexions (les vacances aidant )  je me dis que le « problème » est peut-être là : ne faudrait-il pas rester à une gestion artisanale de l’e-réputation ? Autrement dit, par exemple pour une grande entreprise, laisser chaque service agir sur ce qui lui semble nécessaire, en fonction de ses connaissances du sujet, de ses objectifs, et de ses capacités d’actions ? Avec bien entendu une vision globale (et pas globalisante) et concertée des résultats à obtenir, mais tout en laissant une certaine souplesse d’action afin de s’adapter constamment et ne pas répéter des actions parfois vides de sens.


Car aujourd’hui, oui, l’e-réputation est une industrie. Avec une vision à court terme, laissant supposée que sa possible gestion va générer des résultats immédiats en termes de business… Et, pour appuyer cette approche, il est d’ailleurs intéressant de voir que certains professionnels du métier développent une vraie idéologie derrière ce concept, tentent (volontairement ou non) de normaliser des pratiques souvent contestables.


Hormis pour la gestion de crises graves (et donc par définition inattendues), ne faudrait-il pas aborder la gestion de l’e-réputation sur le long terme, par touches successives, par le développement d’une certaine confiance avec les publics de l’entreprise ? S’appuyer sur le CRM et le SEO (entre autre) pour générer du business à court ou moyen terme, mais rester dans une approche « sur mesure » en fonction des communautés, des plates-formes, des attentes, des besoins, des possibilités, etc.

 


Au final…


Gérer des perceptions, influer sur des opinions, développer des indicateurs, est une chose complexe. Cela n’est pas impossible mais demande d’aller plus loin que de simples actions visant à gérer l’urgence, ou à l’inverse, de la mise en place de processus quasi-immuables.


Ces quelques constats et réflexions ont déjà été posés (en partie) ici ou ailleurs. Pour la rentrée (enfin la mienne) il me semblait intéressant de les poser encore une fois, et de (vous) questionner : la gestion actuelle qui est faite de l’e-réputation ne doit-elle pas encore évoluer ? Doit-on forcément reproduire des approches industrielles pourtant tant critiquées dans les médias dits traditionnels, et dont le peu de recul dont nous disposons (sur le web) montre déjà une partie de leur inefficacité ?


En résumé, ne plus se projeter sur le court terme pour développer ou gérer un capital de plus en plus essentiel pour les entreprises et qui, quoi qu’il arrive, les accompagnera toute leur existence.

 

Et vous, pensez-vous que l’on puisse réellement « gérer » l’e-réputation ? Quelle(s) approche(s) vous semblent aujourd’hui les plus appropriées ?!

 

Source de l'image : http://playnetcube.fr

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